MERCEDES McCAMBRIDGE (1916-2004)
L'intensité de son jeu, son tempérament volcanique, l'étendue de son répertoire dramatique, et sa funambulesque aptitude à cheminer sur la crête aiguë du sublime sans jamais choir dans le grotesque, en font l'une des figures les plus fascinantes et charismatiques du cinéma hollywoodien des années 50/60.
Orson WELLES ne s'y trompa pas, qui la considérait comme l'une des comédiennes les plus douées de sa génération, et en fit l'un des éléments phares de son Mercury Theater, dans sa variante radiophonique.
Abonnée aux rôles excessifs, celle qui fut la virago acharnée à la perte de Joan CRAWFORD dans Johnny Guitar (Nicholas RAY - 1953) et la directrice sadique de la prison de femmes de 99 Women (Jess FRANCO - 1969), était tout aussi démesurée à la ville qu'à l'écran. Cyclothymique et névrosée, maladivement perfectionniste, alcoolique invétérée, elle ne connut pas -- sur la durée -- la carrière à laquelle son talent (j'ose écrire : son génie) la prédisposait.
Johnny Guitar
Par un paradoxe somme toute logique, les jeunes générations la connaissent essentiellement pour sa performance dans un film... où elle n'apparaît pas -- physiquement du moins. C'est elle qui prêta sa voix à Linda BLAIR lors des scènes de possession de L'Exorciste (William FRIEDKIN - 1973).
Un simple doublage ?... Pas vraiment...
Fidèle à sa réputation, Mercedes mit ses tripes à nu et sa santé en jeu pour cette ultime non-apparition à l'écran. Ses séances de post-synchro firent longtemps l'objet d'extrapolations délirantes, jusqu'à ce que l'on s'avise, à l'occasion de la sortie du film en DVD, et sur la foi de ses bonus, qu'elles se déroulèrent dans les mêmes conditions que le prétendait la légende...
Afin d'émettre la voix d'un Démon s'exprimant par la bouche d'une gamine possédée, la comédienne exigea d'être "mise en situation". Attachée à son siège dans la cabine d'enregistrement, épaulée par un prêtre censé atténuer les retombées divines de sa prestation (elle était devenue TRES croyante), fumant des jours durant paquet de clopes sur paquet de clopes, absorbant des dizaines d'oeufs crus (pour obtenir un timbre rauque), et profitant de l'occasion pour renouer avec l'alcool, elle livra une interprétation vocale ahurissante, qui traumatisa durablement les spectateurs découvrant le film en VO, et laissa le metteur en scène pantois.
Dans la vidéo qui suit, Mercedes McCAMBRIDGE se remémore (peu avant son décès) ces séances éprouvantes, tandis que William FRIEDKIN témoigne, trente ans après, de son éberluement devant les méthodes de travail de cette comédienne décidément hors-norme.
Pour une fan inconditionnelle -- comme moi -- de cette immense actrice, ce document est non seulement profondément émouvant (Mercedes McCAMBRIDGE n'accordait que très rarement des interviews, et celle-ci est probablement sa dernière), mais proprement hallucinant.